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Société

Modernisation de la Justice au Bénin : Un colloque scientifique accouche de fortes recommandations

Propos recueillis et transcrits par AWR

Un colloque scientifique sur la justice béninoise s’est déroulé les 5 et 6 octobre 2023 à Cotonou. Il a réuni des présidents de tribunaux, procureurs, magistrats, juges de différentes juridictions, avocats, huissiers, notaires, commissaires-priseurs, acteurs de la société civile et représentants d’institutions internationales. Une équipe de Africa World Radio a suivi de bout en bout les travaux de ses assises qui ont abouti à d’importantes recommandations. A l’ouverture de ces travaux, nous avons interrogé le président du comité d’organisation, William Kodjoh-Kpakpassou qui est revenu sur les objectifs.

 

AWR : Pourquoi moderniser la justice ?

William Kodjoh-Kpakpassou : Il faut moderniser la justice parce qu’il faut partir d’une situation donnée vers un état nouveau, un état meilleur. Nous nous améliorons, nous changeons beaucoup de choses dans notre vie. Le défi de la justice, c’est à la fois prendre en compte aujourd’hui les réformes digitales, c’est mieux faire circuler l’information, mieux délivrer les actes que le public demande, informer sur les délais des actes, publier les décisions que nous rendons et les rendre accessibles, rendre la justice visible, faire en sorte que le citoyen se sente bien dans la société.

Quels sont les objectifs du colloque ?

Les cours et tribunaux ont un temps de pause qu’on appelle vacances judiciaires. A l’issue de ce temps qui dure généralement d’Août à septembre, les affaires reprennent en octobre. Ce colloque ouvre donc l’année judiciaire 2023-2024. Le Garde des Sceaux a pensé autrement la rentrée judiciaire. Il a voulu une rentrée globale et scientifique ; une rencontre de tous les acteurs de la justice (magistrats, notaires, avocats, greffiers, commissaires-priseurs, Huissiers et le public dans une même enceinte. Pour que nous autres acteurs judiciaires, présentions ce que nous faisons habituellement et que nous puissions  écouter les bénéficiaires de la justice et prendre en compte leurs préoccupations. Tout cela doit être décliné en plan d’actions que le Garde des Sceaux va mettre en œuvre.

La modernisation va-t-elle passer par la digitalisation de tout le système judiciaire ?

La modernisation par le digital a déjà commencé. Elle a notamment commencé par le Tribunal de Commerce qui est aujourd’hui une juridiction qu’on peut saisir en ligne, qui publie sa jurisprudence, qui publie les actes qu’elle prend. Mais il faut amplifier, renforcer le processus. Il faut mettre la digitalisation au cœur de l’action publique.

Ce colloque est aussi pour prendre le pouls de la société pour laquelle nous travaillons. Le ministère de la justice a pensé ce rendez-vous pour être à l’écoute de ceux dont il a la direction de la gouvernance.

Quels sont selon vous les problèmes auxquels fait face la justice béninoise ?

Il y a beaucoup de défis, notamment celui de l’information : à quelle date le dossier est ajourné, à quelle date l’acte sera disponible ? Il y a encore beaucoup de choses à savoir par les citoyens (qui est le juge ? qui est le procureur ? qui est le président ? etc). La justice est toujours en transition vers le bien-être des populations. Et c’est pour penser à ce bien être que nous avons organisé cet événement.

Qu’est-ce qui peut changer à l’issue de ce colloque !?

Tout ce dispositif que vous voyez ici ne peut pas être déployé pour rien. C’est une stratégie qui est bien pensée. Les actes du colloque seront publiés. Les résolutions, recommandations et propositions qui sortiront des activités seront recensées et tout va aboutir à un plan d’actions.

 

EXTRAIT DE LA CONFERENCE INAUGURALE DU PROF JOSEPH DJOGBENOU SUR LE THEME : « MODERNISATION DE LA JUSTICE : REGARDS ET PERSPECTIVES »

(…) D’abord, nous allons tenter de nous accorder sur les termes, et le premier, c’est la modernisation. Le fait de moderniser, c’est d’assurer une transition d’un état antérieur que l’on pourrait qualifier d’état traditionnel à un état nouveau, postérieur que l’on pourrait qualifier d’état moderne. C’est la marche de l’ancien vers le nouveau qui peut-être donc analysée, perçue comme un moyen modernisé pour aller vers un mouvement mais aussi comme un résultat. Il importe de préciser que la modernisation est un moyen, un mouvement, un résultat, un état, ou même une fin. Et c’est pour cela que le mot « perspective » à sa place en termes d’objectif à atteindre, d’horizon à se fixer en ce qui concerne le secteur de la justice… A bien des égards, le sacrifice est nécessaire au mouvement qualitatif de l’état antérieur vers l’état nouveau. Le deuxième mot c’est la justice. Chacun sait ici que c’est d’abord une vertu, une quête, une quête de l’individu en société, une quête de la société elle-même, une quête de l’humanité et sous cette lucarne, il est difficile de la définir. On la perçoit par son contraire, l’injustice.

(…) La justice, c’est aussi les moyens en termes organique, que la société expose à la réalisation de la fin, à la réalisation de cette vertu. Cet objectif est aussi celui du droit, le droit dans le sens qu’il conduit à la justice. Si nous nous accordons ici sur les termes du débat, il faut présenter quelques éléments de contexte. Le premier élément de contexte en termes de référence, cela a un lien avec le temps. Nous avons évoqué tout à l’heure que la modernisation s’entend du mouvement d’un état antérieur à un être nouveau. À partir de quand de l’état antérieur et de quand de l’état nouveau ? Faut-il remonter à l’accession de notre pays à l’indépendance ou à la souveraineté nationale et internationale pour évoquer l’état antérieur ou faut-il, et c’est ce que nous proposons, considérer l’état antérieur à partir de la conférence des forces vives de la nation.

Le deuxième élément de contexte, après le temps, ce sont les paradigmes, les traits principaux de caractère en termes de déterminant politique. On va observer de l’ancien vers le nouveau, un premier élément, une sorte de centralisation régie à une centralisation assouplie. (…)

On va ajouter comme manifestation de cet assouplissement, les juridictions spéciales, les juridictions communautaires également. Le deuxième trait de caractère, on part d’une sorte d’étatisation prononcée à une forme de ‘’désatisation’’ progressive. Cette ‘’désatisation’’  avec la communautarisation du droit et de la justice, avec le souverainisme individuel, avec les modes conventionnels.

Troisième trait de caractère, ici, c’est au niveau des moyens. On peut considérer qu’on est parti d’une indigence caractérielle de la justice telle que nous l’avons défini. Certes, nous avons trois cours d’appel, mais quasiment pas d’administrateurs, pas de magistrats. Peu de magistrats pour animer les juridictions. Il était difficile de mettre en place les tribunaux de première instance. On n’a pas encore  suffisamment réussi sur ce terrain mais déjà les progrès ont été remarqués à partir de ce que nous considérons comme l’État nouveau. (…). Indigence en termes de ressources humaines, d’infrastructures, de matériaux. En cause, sur ce regard, la politique de financement et d’équipement de la justice sur laquelle il faut davantage travailler.

Alors quand on a présenté les termes de débat ; on a présenté quelques éléments de contexte, en termes de référence, pour planter le décor, ne faut-il pas poser alors la question principale, celle qu’on peut considérer comme essentielle.

À notre sens, c’est de savoir comment appréhender la nécessaire transition de l’État antérieur vers un nouvel état, meilleur de la justice en tant qu’organisation ? Et avec quelle exigence en effectuer les transactions, avec quelles ressources, dans quelle condition ? Il faudra donc envisager les considérations relatives à la transition.

L’accès à la justice, c’est la justice qui va vers ‘’l’injusticiable’’. La justice en tant qu’organisation qui a vocation à satisfaire les prétentions des citoyens. Donc, quelle est sa présence près des citoyens ? Ce qui correspond à la réponse, la préoccupation relative aux droits à son juge naturel. La justice doit être une continuité dans ce processus de transition vers une qualité meilleure, vers une justice meilleure à la question de la continuité de la justice (…).

Propos recueillis et transcrits par AWR

 

QUELQUES RECOMMANDATIONS ISSUES DU COLLOQUE POUR  RENDRE PLUS EFFICACE L’APPAREIL JUDICIAIRE DU BENIN

(…) Adopter une politique de modernisation de la justice avec des orientations stratégiques visant à retenir la dématérialisation systématique ou non, et mettant au cœur de cette politique la justice prédictive ou non; adopter une loi de programmation judiciaire qui devrait permettre de tracer les différents axes stratégiques de la réforme « modernisante » de la justice béninoise ; adopter une politique de l’amiable qui dans la continuité de la loi de modernisation pourrait renforcer la déontologie et l’éthique dans le règlement amiable des différends, notamment par des programmes qui permettraient de certifier les acteurs afin de les accréditer et garantir ainsi une meilleure qualité de la justice amiable ; promouvoir les  mesures de « déjudiciarisation » de la justice pénale ; assurer l’effectivité de l’application des mesures d’aménagement des peines; renforcer le cadre infrastructurel des juridictions béninoises incluant l’extension du parc pénitentiaire à travers la continuité dans la construction de nouvelles prisons, de centres de détention, de maisons d’arrêt; assurer la protection des données à caractère personnel, la digitalisation de la gestion de la procédure de détention provisoire; dématérialiser les procédures et formalités foncières;  poursuivre et renforcer la mise en œuvre de la politique de recrutement des Magistrats, juges consulaires, administrateurs de greffe et autres acteurs de la chaine juridictionnelle pour un traitement efficace des dossiers dans les délais; rendre plus opérationnelle la carte judiciaire commerciale ; (…)

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