Bénin | Célébration de la JISTNA : Des afro descendants redécouvrent et rééquilibrent les liens perdus avec l’Afrique

Le Bénin a commémoré la Journée Internationale du Souvenir de la Traite Négrière et de son Abolition (JISTNA). Les manifestations se sont déroulées le 23 Août dernier à la maison du Brésil à Ouidah. Une célébration qui a connu la participation de plusieurs délégations d’afro descendants venus de la Martinique, de la Guadeloupe, de la République Dominicaine, de l’île de la Réunion, de la Belgique et même du Togo. Une équipe de Africa World Radio était présente pour ces moments retrouvailles.

Ouidah le 23 Août 2023, aux environs 9h30min. Au portail de la maison du Brésil, on observe une affluence pas des jours ordinaires. Au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, des véhicules haut de gamme aux plaques officielles viennent stationner, sous le contrôle de quelques jeunes gens très affairés qui indiquent aux conducteurs la direction à suivre.

Ils sont pour la plupart des diplomates accrédités au Bénin, des représentants d’institutions onusiennes, des officiels du Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts ; ou encore des experts reconnus ainsi que d’autres invités triés sur le volet. A l’intérieur et précisément sous la tente installée, les va-et-vient des équipes d’organisation annoncent le démarrage imminent d’un évènement de grande envergure. C’est la commémoration de la Journée Internationale du Souvenir de la Traite Négrière et de son Abolition (JISTNA), placée cette année au Bénin sous le thème : « De la douleur à la grandeur ». Ici, les formalités d’entrée sont facilitées par des hôtesses, mais l’accès à la tente est strictement subordonné à la présentation d’un carton d’invitation codé.

Quelques instants après et sous la conduite de Wenceslas Adjognon-Monnon, Directeur du Programme Tourisme de l’Agence Nationale des Patrimoines Touristiques (ANPT), le Ministre et ses invités font leur entrée. Pour les installer et leur souhaiter la bienvenue, le célèbre artiste slameur connu pour son talent, Eklou K. Amagbegon Branly, surnommé ‘’Amagbégnon’’, leur offre une prestation d’une trentaine de minutes. Appuyé par des membres de son groupe, celui-ci retrace avec une certaine émotion dans la voix, l’histoire tragique de l’esclavage et l’universalité des valeurs fondamentales de vodoun.

En s’adressant à l’assistance à cet instant solennel, l’autorité ministérielle a souligné que la commémoration de la JISTNA est un moment singulier dans l’agenda des événements internationaux à caractère historique. « Cet épisode douloureux de notre histoire revêt au Bénin une dimension exceptionnelle dans la mesure où une partie de notre pays a été le foyer de cette activité », souligne Jean-Michel Abimbola.  A l’en croire, la célébration de cette journée décrétée par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), est inspirée d’un fait historique qui s’est produit dans la nuit du 22 au 23 août 1791 à Saint Domingue, aujourd’hui République d’Haïti, à la suite de la cérémonie du « Bois Kayiman », une sorte de moment transfusionnel entre esclaves révoltés. Aux dires du Ministre, cette situation a déclenché l’offensive déterminante des esclaves contre leurs maîtres. Un acte fondateur de la mise en accusation de la traite transatlantique qui va susciter le processus menant à son abolition.

Comprendre l’histoire et trouver des chemins de résilience

C’est à Guy Losbar président du Conseil départemental de la Guadeloupe qu’est revenu l’honneur de porter la voix des afro descendants ayant effectué le déplacement de la ville historique. Il est l’arrière-petit-fils de Charles Losbar, un esclave déporté de Ouidah. « Nous savons que c’est ici à Ouidah que tant d’Africains ont été arrachés à leur terre natale, déportés pour être réduits en esclavage aux Amériques et notamment en Guadeloupe. Plus de 170 ans après l’abolition, la conscience collective d’affiliation avec nos parents, victimes de l’esclavage colonial et la traite négrière, a été terriblement obscurcie, générant un trouble mémoriel majeur et une crise identitaire dans laquelle nous débattons toujours », a-t-il confié.

Selon lui, cette crise mémorielle et identitaire prend notamment l’aspect de deux figures : la perte des liens avec leurs aïeux réduits en esclavage dans les plantations de Guadeloupe, la rupture avec l’Afrique. Pour cet invité d’honneur de la JISTNA 2023 au Bénin, comprendre l’histoire de la traite négrière, les mécanismes à l’œuvre, les mémoires portées par les différentes communautés, sont pour les afro descendants, des éléments indispensables à l’écriture de leur propre récit. « Faire de notre histoire, plutôt qu’un éternel ressenti, travailler inlassablement pour trouver les chemins de la résilience. Tout cela doit constituer le socle d’un véritable tourisme mémoriel visant à faire partager au monde les leçons de cette barbarie sans nom que fût l’esclavage colonial », a fait savoir Guy Losbar.

… à Ouidah pour apprendre et comprendre

Pour Guy Losbar, en venant à Ouidah symbole de cette tragédie qu’est la traite négrière, les afro descendants veulent relever deux défis. Primo retrouver le lien avec leurs aïeux, victimes de l’esclavage, et eux-mêmes, secundo rééquilibrer le lien avec l’Afrique, singulièrement le Bénin. « C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité venir ici au Bénin en toute humilité pour apprendre, comprendre ce moment tragique et fondateur que fut la Traite Négrière », déclare-t-il.

Pour précisions, en clôture de la matinée de célébration à la JISTNA, les invités se sont rendus au Fort Portugais pour découvrir et apprécier toutes les initiatives du gouvernement béninois en vue de la restauration de la mémoire des esclaves déportés. Cette visite guidée a été suivie d’une marche mémorielle vers la place aux Enchères encore appelée ‘’Place Chacha’’ pour un instant de recueillement, de pose de plaque et de dépôt de gerbes. L’histoire raconte que des milliers d’esclaves ont pris départ d’ici.