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Politique

Bénin | Restitution des trésors royaux: Un acte de réparation historique et de reconstitution de l’identité culturelle d’un peuple

Avec notre correspondant Martial Olou

C’est dans la ferveur et l’allégresse que les Béninois ont célébré en novembre dernier, le retour de 26 de leurs biens culturels pillés par les colons français dans les années 1800. Une restitution empreinte de charges émotionnelles et de symbolisme. Africa World Radio s’est intéressé au sujet.

Le 9 novembre 2021 à l’Elysée, Patrice Talon et Emmanuel Macron ont signé l’acte de transfert et de propriété de 26 œuvres culturelles au Bénin. Dernière étape d’un processus qui aura duré plusieurs années. Le lendemain, c’est-à-dire le 10 novembre 2021, ces 26 pièces dont les statues anthropomorphes des rois Guézo, Glèlè, Béhanzin ; la porte du palais royal d’Abomey ; le trône du roi Glèlè ;   ont atterri sur le tarmac de l’aéroport international cardinal Bernardin Gantin de Cotonou. Après les formalités, ces biens soigneusement emballés dans 12 caisses, prendront la direction du palais de la République à bord de camions décorés pour la circonstance.

Pour de nombreux  Béninois rencontrés à Cotonou des jours après, un rêve venait d’être réalisé, un moment historique.  Guillaume Tokpon, étudiant au département d’histoire et archéologie de l’université d’Abomey-Calavi pense que c’est l’âme du pays qui est de retour. Selon ses explications, cela va contribuer à pacifier les mémoires.

De son côté, Osséni Soubérou, ingénieur culturel et enseignant à l’école du patrimoine africain (Epa) à Porto-Novo, assimile ce retour des trésors royaux du Danxomè à un acte de reconnaissance et de réparation historique. C’est aussi la preuve de la vitalité  de la coopération entre le Bénin et la France, à l’en croire. « C’est le témoignage que nous existions et avions réalisé des choses plus qu’exceptionnelles avant la rencontre avec l’occident », a-t-il lancé. Le Socio-anthropologue Joël Tchogbé dira pour sa part que le retour au pays de ces biens culturels pillés par la France il y a près de 130 ans, est un acte fondateur de la reconstitution authentique  de l’histoire du Danxomè devenu Bénin, qui a été tout le temps falsifiée par les occidentaux. C’est aussi la reconstitution de son identité culturelle, sociale et politique. « C’est comme le chasseur qui ramène le gibier à la maison, c’est la version du chasseur et non celle du gibier qui sera entendue », ironise-t-il.

Un processus beaucoup plus diplomatique que technique

Pour Happy Goudou, journaliste culturel freelance, comédien et gestionnaire du  patrimoine culturel, cette restitution prouve le dynamisme au plan politique et diplomatique du président Patrice Talon. Parce que précise-t-il,  tout le processus qui a abouti au retour des 26 œuvres est beaucoup plus politique, diplomatique que technique. Aux dires de ce dernier, le retour de ces trésors royaux doit être perçu comme un défi que le Bénin a relevé. Il étaye son argumentaire par le fait qu’avant ou après la demande de restitution formulée, il était clairement affiché de toutes parts que le Bénin ne pourrait pas réussir cette mission. « Ces 26 œuvres qui sont parties comme des butins de guerre sont retournées. C’est une victoire historique et spirituelle. Le Bénin a finalement gagné la guerre. Une guerre entreprise par Béhanzin. Ces biens ne sont plus l’apanage exclusif d’une région. Ces biens sont pour tous les enfants du pays », fait savoir Happy Goudou.

Une restitution pour quels impacts  économiques et culturels?

Le processus de restitution a coûté au Bénin, des dizaines de millions voire peut-être des milliards. Il faudra donc espérer un retour sur investissement. Et on se demande si ces biens pourront apporter un gain économique au Bénin. Même si le gain politique et la visibilité médiatique internationale sont immédiatement perceptibles et quantifiable aussi bien pour le Bénin et la France, Osséni Soubérou trouve que les gains économiques et culturels sont difficilement mesurables dans l’immédiat. Il estime néanmoins que, quand on rapporte tout ceci aux ambitieux projets touristiques et culturels du gouvernement, il est certain qu’il y aura un retour sur investissement. Il cite Patrice Talon qui déclarait au siège de l’Unesco à Paris le  1er juin 2018 : «  La restitution, le partage et la circulation des biens culturels sont désormais, pour le Bénin, un facteur de lutte contre la pauvreté, un facteur de création d’emplois et de richesses, un outil de développement socio-économique ».

Selon Happy Goudou, la réalité, c’est que la finalité doit prouver l’économie de la culture, l’économie du patrimoine. « De façon spécifique, ces biens  vont créer un rayonnement, une visibilité  sur l’univers culturel béninois et créer l’attractivité. Lorsque ces biens vont rentrer dans les rayons des musées, c’est clair que beaucoup de touristes seront attirés vers le Bénin. Donc c’est un avantage économique », a-t-il martelé.

Des doutes sur la capacité du Bénin à  conservation ces biens !

Lors d’une sortie médiatique quelques semaines avant le retour des trésors royaux, le secrétaire général adjoint et porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji avait donné des assurances pour ce qui est du dispositif mis en  place pour accueillir ces œuvres et les conserver dans les conditions qu’il faut. En termes d’infrastructures, il a notamment fait allusion aux musées en construction dans le pays, dont ceux de Ouidah et d’Abomey. « Il existe des femmes et hommes formés pour assurer ce genre de tâche. Mais il est aussi important de savoir qu’il existe des structures capables d’accompagner le gouvernement. Il nous faut intégrer cette réalité et œuvrer pour que les choses se passent correctement. C’est une question de responsabilité historique. Cela n’est nullement au-delà de nos capacités. Organisons-nous, planifions-nous et dégageons les ressources nécessaires», indique  Osséni Soubérou. Happy Goudou est du même avis. Il précise d’ailleurs que le premier moyen capital dont dispose le Bénin pour la conservation de ces œuvres, c’est la volonté politique.

Et pourtant, Holland s’était opposé !

C’est le 27 juillet 2016 que profitant de son passage à l’Elysée, le président béninois, Patrice Talon qui venait d’accéder à la magistrature suprême, a officiellement formulé la demande de restitution des trésors royaux du Bénin auprès de son homologue français, François Hollande. Une première dans l’histoire des pays de l’Afrique Subsaharienne. C’est  de ‘’l’audace béninoise’’ aux yeux de nombreux observateurs.

Malheureusement, le ministère français des affaires étrangères de l’époque s’oppose à cette requête des autorités béninoises et brandit comme preuve, le principe d’inaliénabilité des collections nationales. Mais une fois au pouvoir en 2017, l’actuel chef d’Etat français Emmanuel Macron affiche sa volonté de donner une nouvelle orientation aux relations franco-africaines. A l’occasion d’un voyage  en fin d’année 2017 au Burkina-Faso, le nouveau locataire de l’Elysée annonce à la surprise générale, la restitution au Bénin de ses biens culturels qui sont dans les musées français. Dans la foulée, le président français commande un rapport à Felwine Sarr, enseignant chercheur à l’université Gaston-Berger au Sénégal et Bénédicte Savoy, également enseignante chercheure dans une université allemande, sur la restitution du patrimoine africain. Les conclusions de ce rapport transmis en 2018 révèlent le bien-fondé et la nécessité de la restitution.

Il recommande le vote d’une nouvelle loi par la France à cet effet. En décembre 2020, le sénat français adopte le projet de loi sur la restitution des  biens culturels au Bénin et au Sénégal. Le processus venait donc d’être entamé. Au pays donc depuis plusieurs semaines, ces 26 œuvres sont au palais de la présidence et seront transférées en janvier à Ouidah avant de prendre la direction d’Abomey deux ans plus tard.

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