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Entretien avec l’écrivaine Adélaïde Fassinou : « La littérature est universelle. Elle relie les humains de tous les horizons »

Réalisation : Martial Olou

Adélaïde Fassinou Edith Bignon Allagbada est l’une des rares femmes béninoises à se frayer un chemin dans la littérature. D’une plume fine et aiguisée, elle s’inspire des réalités sociales de son pays et de l’Afrique pour accoucher ses œuvres. Elle compte plusieurs œuvres à son actif.  Adélaïde Fassinou nous parle de sa passion pour les belles lettres 

 

AWR : Dans quelle catégorie peut-on classer vos œuvres ?

 

Adélaïde Fassinou : C’est un mélange. J’ai publié des romans en particulier des nouvelles, de la poésie, des recueils de poèmes, des livres pour enfants… Je suis dans le réalisme pur et dur. Mes ouvrages campent leur décor dans le réel, dans le vécu quotidien des béninois, dans nos réalités africaines. Il y a tellement de choses à dire par rapport à tout ce qui se passe chez nous, sur le plan social, politique, économique et culturel. Mon inspiration part toujours de là. Je fais un peu de tout, mais je n’ai jamais écrit une œuvre théâtrale. Dans tout ce que j’écris, mon métier d’enseignante transparaît. J’écris toujours des œuvres éducatives. Je ne donne pas de leçons, mais j’éduque la jeunesse. Mes personnages de prédilection sont la femme et l’enfant, notamment la jeune fille. J’essaie de leur montrer que le chemin pour devenir femme n’est pas facile, elles doivent s’accrocher. Le gain facile n’est pas une bonne chose. Il faut qu’elles étudient afin d’apporter leur grain de sel pour le développement des foyers, de la société et du pays.

L’aventure a commencé en quelle année ?

 

Mes débuts remontent en 1980, j’étais à l’université. Mais c’est seulement en l’an 2000 que j’ai pu publier mon premier livre. C’est vraiment une aventure, parce que, quand je me suis lancée dedans, il y avait plein de nids de poule. Je ne savais pas que j’allais pouvoir y rester. On a tout fait pour me décourager, on m’a fait comprendre que je ne fais pas de la littérature, mais j’ai résisté. L’aventure continue avec des hauts et des bas.

Qui sont ceux qui vous critiquaient ?

 

Tout le monde, mais beaucoup plus du monde des critiques littéraires. C’est de bonne guerre et ça m’a beaucoup aidé à améliorer ma plume. Comme l’a dit un confrère « il faut accoucher vous aussi une seule fois et vous allez savoir comment l’accouchement est si difficile ». Deux années ne suffissent pas pour finaliser un ouvrage et le mettre sur le marché. On n’en tire pas des espèces sonnantes et trébuchantes en tant que telles. Mais vous avez la gloire, tout le monde vous connaît. L’écriture est comme le vin, plus il est vieux, plus il est meilleur. C’est pour vous dire que ça n’a pas été du tout facile. Le paradoxe de la littérature, c’est que pendant que certains vous disent que ce que vous faites est mauvais, d’autres vous confirment que vous faites un bon travail. Quand vos livres sortent, tout le monde veut savoir ce que vous avez écrit. C’est là que je trouve mon réconfort.

Plus de 20 ans après, combien d’œuvres peut-on compter dans votre bibliothèque ?

 

J’ai publié une dizaine 10 œuvres personnellement et j’ai participé à des œuvres collectives. Les deux premiers ouvrages qui m’ont fait connaître sur le marché sont :« Modukpè le rêve brisé » publié aux Editions l’Harmattan à Paris et puis « Yémi ou le miracle de l’amour » publié aux Editions du Flamboyant. Ces deux ouvrages parlent des « vidomègon ». Je peux encore citer « Enfant d’autrui, fille de personne », « Toute une vie ne suffirait pas pour en parler », « L’hôte indésirable », « Jeté en pâture », « L’oiseau messager », « La sainte ni touche » ….

Quel regard portez-vous sur la littérature béninoise ?

 

Je crois que le livre béninois se porte bien. Les 20 dernières années, il y a eu un boom quantitatif de la littérature béninoise. C’est pour vous dire qu’aussi bien les hommes politiques, les chercheurs, les écrivains que les hommes du commun ; tout le monde pense qu’il est important aujourd’hui de laisser des traces, de contribuer à la littérature universelle, de contribuer à l’épanouissement du livre béninois. 

Quelles sont les difficultés que rencontrent les écrivains béninois ?

 

Il y en a beaucoup de difficultés. Le plus important, c’est l’édition. C’est un véritable chemin de croix de publier un livre dans ce pays. Moi je privilégiais les éditions internationales, mais vu le coût, les ouvrages ne sont pas à la bourse des béninois. J’ai donc décidé de me replier sur les éditions locales avec tous les problèmes qu’elles ont. Mais avec un peu plus d’efforts, elles peuvent réaliser de bonnes œuvres. Une bonne édition qui reviendra moins chère aux béninois, c’est ce que nous souhaitons.

Que faut-il faire pour corriger le tir ?

  

Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, le papier qui sert à imprimer le livre est subventionné. Cela fait que les imprimeurs sont contents de vous aider à publier un ouvrage. Mais ici, tel n’est pas le cas. On est jeté en pâture, si bien qu’il faut être fou pour s’engager sur ce chemin. Quand on aime quelque chose, c’est comme on aime une personne. Malgré tous ses défauts, vous restez avec elle. Je suis enseignante comme des milliers d’enseignants dans le pays, mais les écrivains ne sont pas nombreux. C’est ça qui me distingue, qui me donne une enseigne, aussi bien sur le plan national qu’international.  Je suis obligée de m’accrocher, pas pour la gloire, mais pour le modèle que je représente pour la jeunesse de mon pays, notamment la jeunesse féminine qui croît en ce que je fais et qui m’encourage à aller de l’avant.

Quels sont les conseils que vous avez à prodiguer à cette jeunesse ?

  

Je vais dire aux jeunes en général, qu’ils soient garçons ou filles, de s’accrocher, parce que c’est un chemin de croix de s’engager dans l’écriture. Je leur demande de ne pas avoir peur, d’oser écrire et de les soumettre à des amis ou à des supérieurs pour la correction, même à des parents qui ont un niveau plus qu’eux. C’est ce que moi je fais avant de pouvoir oser envoyer mon livre à un éditeur. Un auteur a dit que, « c’est la somme des lectures d’un individu qui fait de lui, un bon ou un mauvais auteur ». Qu’on soit fonctionnaire, artisan, qu’on soit moins nanti ou non, on peut écrire. L’œuvre de Amos Tutuola est étudiée aujourd’hui dans les grandes universités américaines. Je ne sais pas s’il a pu terminer le cours primaire, mais ses œuvres sont d’une très bonne qualité. Ne pas avoir fait de longues études, ne pas avoir lu les grandes encyclopédies du monde ne saurait être un handicap pour écrire. Mariama Bâ n’était qu’une simple institutrice, mais elle a écrit de grandes œuvres telles qu’« Une si longue lettre », qui m’a donné l’envie d’écrire et partager avec les autres mon histoire, une partie de ma vie, la vie de plusieurs personnes. La littérature est effectivement universelle. Elle relie les humains de tous les horizons, elle anoblit les cœurs, donne de la joie, de l’amour.

Pour conclure

 

Lorsque vous n’êtes pas un homme politique, personne ne vous accorde de l’’importance, on ne vous entend pas, vous prêchez dans le désert. Personne ne vient vers nous, parce qu’on nous prend pour des crèves la faim de la République. Or, un pays qui ne se repose pas pour réfléchir sur l’âme pensante de son peuple, à savoir les penseurs, les philosophes, les écrivains, les créateurs d’œuvres de l’esprit, est voué à l’échec. La France doit son nom à ses artistes, à ses écrivains etc.

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