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Economie

Suppression de la subvention du carburant au Nigéria : Le Bénin frappé, les consommateurs déboussolés, les promoteurs de stations-service se réjouissent

Louis Tossavi

Comme il l’avait annoncé, le nouveau président de la République Fédérale du Nigéria Bola Ahmed Tinubu a dès sa prise du pouvoir, supprimé la subvention de l’Etat sur le carburant afin de faire passer le pays du bord du gouffre à une économie résiliente. Une mesure qui n’est pas sans conséquence tant sur les Nigérians que sur les pays voisins à l’image du Bénin, qui partage plus de 700 kilomètres de frontières avec le pays le plus peuplé d’Afrique.   

 

Depuis plus d’un mois, le prix de l’essence de contrebande communément appelée au Bénin « kpayo » a presque doublé, passant de 400fcfa/L à 700fcfa/L dans la ville de Cotonou et aux environs, voire jusqu’à 800fcfa/L dans certaines localités du pays. Une situation qui est due à la décision de l’administration Tinubu, de supprimer la subvention de l’Etat sur le carburant. « Nous devons prendre des mesures pour arrêter l’hémorragie de nos finances en agissant rapidement sur les subventions aux carburants. Nous n’avons pas le choix.  Je reconnais que cette décision imposera un fardeau supplémentaire aux masses de notre peuple. Je ressens votre douleur. Le gouvernement que je dirige vous rendra la pareille en investissant massivement dans les infrastructures de transport, l’éducation, l’approvisionnement régulier en énergie électrique », a promis Bola Tinubu en guise d’apaisement. Effectivement la douleur se ressent, et notamment chez le voisin Béninois.

Henri Assogba, président de l’association des vendeurs d’essence non formels, nous informe qu’avant l’arrivée du nouveau dirigeant, l’essence était à 225fcfa/L. Après les formalités, ces derniers revendent le produit à 500fcfa/L. Le bidon de 25 litres qui était par exemple à 12.000fcfa ou 13.500fcfa est passé à 20.250fcfa.

Mais au-delà du carburant, la mesure du voisin de l’est a entrainé un surcoût des transports et de certains produits de première nécessité, notamment les vivres. « Nous avons remarqué sur le marché de consommation, l’augmentation anarchique du prix de certains produits, ceci au motif que le prix de l’essence aurait augmenté. Ce qui n’est pas très juste. Il faut qu’on nous dise plutôt que le prix de l’essence dans l’informel a augmenté. Puisque le prix de transport a été fixé sur la base du prix de l’essence à la pompe. Il y a un peu d’abus dans les prix fixés », se désole Ernest Gbaguidi, président de l’association Bénin Santé et Survie du Consommateur. Il invite alors les commerçants à revoir leurs pratiques. Pour lui, le commerce doit être animé avec la concurrence loyale et les vendeurs ne doivent pas profiter d’une situation exceptionnelle pour perturber le marché de consommation.

Les stations-service se frottent les mains

Le président de l’Association ‘’La voix des consommateurs’’, Robin Accrombessi précise pour sa part que tous les secteurs sont globalement impactés et les consommateurs sont déboussolés. Il révèle par exemple que des centres de santé ont même augmenté les coûts de leurs prestations. « A chaque fois qu’il y a un secteur qui trouve qu’il est impacté par un nouveau coût, les autres secteurs aussi l’implémentent. Aucun commerçant ne supporte les coûts. Ils impactent toujours sur le consommateur final », a-t-il souligné lors d’une intervention sur une chaîne nationale publique.

Comme on peut l’imaginer, les plus heureux face à l’inflation, sont les promoteurs des stations-services qui n’étaient pas très fréquentées. Mais depuis un mois, elles connaissent une affluence avec une clientèle pérennante. Evidemment à la station, l’essence est à 650fcfa/L. La différence de 50fcfa fait que les contrebandiers installés aux abords des axes routiers sont abandonnés au profit de la pompe.  « Avec l’augmentation du Kpayo, on vendait entre 400 L ou 500 L par jour. Aujourd’hui on vend jusqu’à 2000 L par jour », nous confie Méchac Akambi, gérant d’une station-service de Cotonou visiblement satisfait de la réforme au Nigéria.

Que faire face aux conséquences ?

Chercheur en sciences économiques et sociales, géographe, ancien ministre et auteur de plusieurs publications, le Professeur émérite, Ogunsola John Igué propose des mesures économiques pour faire face à l’inflation causée par la suppression de la subvention du carburant au Nigéria. Et la première chose à faire selon lui, c’est d’augmenter la capacité de stockage en essence du Bénin, parce que l’informel couvre 80% de la demande nationale. « Il y aura tellement la pression sur les stations-service qu’elles ne pourront pas tenir le coup. La capacité de stockage d’essence doit être augmentée. Les stations-services sont seulement installées dans les communes et on n’en a 77. Alors que nous avons plus de 5000 villages », a-t-il proposé. Dans la même logique, le président de l’association Bénin Santé et Survie du Consommateur, suggère que les associations de consommateurs négocient avec le gouvernement pour voir dans quelle mesure, lorsque tout le monde ira à la pompe, il y ait possibilité de revoir le prix de l’essence à la baisse en jouant sur le volume. « Dans le commerce de Kpayo, tout le monde y trouve son compte, les Nigérians comme les Béninois. Le produit nous est offert dans des conditions de facilité. Si bien qu’on avait créé une zone de non-approvisionnement du produit nigérian de 25 kilomètres et ça n’a pas fonctionné », ajoute Professeur John Igué qui révèle que L’achat de l’essence au Nigéria remonte à 1980.

Les autorités se frottent les mains !

Si la décision du Nigéria de ne plus subventionner le carburant a provoqué la cherté de la vie au Bénin, les autorités béninoises pourraient se réjouir. Et pour cause, les présidents successifs élus à la tête du pays, ont plusieurs fois par le passé, tenté de mener une lutte contre l’essence « Kpayo » et le faire disparaître sans y arriver. A cette allure, si les autorités nigérianes ne reviennent pas sur leur décision, la clientèle au niveau des stations-services va s’accroitre davantage. Et pendant ce temps, les contrebandiers verront leurs chiffres d’affaires diminuer progressivement et seront contraints d’abandonner cette activité. Ce qui a été souvent le souhait des dirigeants.

Un député proche du pouvoir a d’ailleurs déclaré récemment que ses compatriotes doivent remercier le président du Nigéria pour avoir pris cette décision. « On est tous obligé de nous mettre maintenant réellement au travail au lieu de livrer à de la contrebande », avait fait savoir cet élu du peuple.

Agréer les fournisseurs, réorganiser le secteur  

A l’avènement du régime du président Patrice Talon, le gouvernement du Bénin avait adopté un nouveau plan de lutte contre l’essence de contrebande. Il ne s’agit plus comme les gouvernements précédents de supprimer l’activité, parce que beaucoup de citoyens y trouvent leur source de revenu, mais la réorganiser. Lors d’un entretien télévisé en 2018, Patrice Talon avait déclaré en ces termes : « ce commerce est exercé par des gens qui n’ont pas l’équipement approprié et s’approvisionnent dans des circuits de contrebande. Nous allons les faire rentrer dans le formel, après nous allons formaliser les sources d’approvisionnement. Cela permettra d’agréer leurs fournisseurs afin qu’ils se ravitaillent par voie légale ». La suppression de la subvention du carburant au Nigéria vient donc conforter l’exécutif béninois dans son ambition de réorganiser le secteur.

 

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