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Société

Bénin / Religion endogène : Sakpata, dieu de la terre, de la variole, de la rougeole et de la varicelle

Par : Aïchath Salou (Stg)

La divinité Sakpata a été introduite au Danxomè par les Nago du Nigéria. Le culte de cette divinité a été connu d’abord en pays Idatcha dans le Zou-nord avant de se répandre dans tout le Bénin. Sakpata, Dieu de la terre, de la variole, de la rougeole et de la varicelle. Sakpata, Ayinon, propriétaire de la terre, est le vodoun le plus craint au Bénin. Certaines langues vont jusqu’à dire que la seule mention du nom suscite la peur d’une possible apparition dans les maisons. Beaucoup ont du mal à comprendre l’importance et les manifestations de cette divinité parmi tant d’autres. Pour mieux en cerner les différents aspects, nous sommes allés à la rencontre de spécialistes du domaine.

Selon Hounnongan Aïdoté Wadedji, «la divinité Sakpata aurait été introduite lors d’un mouvement migratoire en provenance d’Egba, un village d’Abeokuta au Nigeria. Parties avec leurs Orisha, ces populations s’installent sur les Collines de Dassa-Zoumè et commencent les premières initiations au vodoun Sakpata. Au tout début du xviiie siècle, des adeptes sont capturés par le roi Akaba. Peu après, une épidémie de variole se déclare, qui emporte aussi le roi en 1708. Sur son corps on découvre les pustules et le bruit court que cette variole aurait été provoquée par un vodoun du pays Idaasha (Dassa-Zoumè). Le culte de Sakpata se propage alors depuis Dassa-Zoumè vers le centre du pays pour atteindre le sud et toute la région côtière. Redoutable, le vodoun n’est pas facilement accepté à Abomey. On craint de le nommer et des litotes sont volontiers utilisées, telles que « Maître de la Terre » ou « Roi des Perles ». La royauté se sent menacée dans sa légitimité par les prérogatives de ces adeptes qu’elle ne parvient pas à contrôler. Les souverains décident d’expulser le vodoun et son clergé hors de la capitale. Même à Abeokuta, son foyer d’origine, Sakpata est interdit en 1884, après une épidémie meurtrière. Cependant le roi Ghézo autorise le retour du culte à Abomey. Son expansion est alors rapide ».

Le dieu qui protège contre les maladies

Le vodoun Sakpata n’est pas une mauvaise chose, ça protège. « Si tu es atteint d’une maladie et tu la confie à Sakpata, tu seras guéri puisqu’il s’agit de la terre sur laquelle nous marchons », fait savoir Hounnongan Aïdoté Wadedji, avant d’ajouter que « si cette divinité se trouve dans une maison, il serait difficile que la sorcellerie trouve des portes d’entrées ». Il faut comprendre dans les explications que toutes les divinités de ce monde reposent sur le Sakpata, puisque même l’église est construite sur la terre. Cette divinité de la Terre, donne les céréales comme le maïs, le mil, le Sorgho. Donc, hormis son côté protecteur, elle est également productrice des céréales.

Le dieu qui identifie et punit l’ennemi

Sakpata est une des principales divinités du panthéon des « vodoun » au Bénin. Elle punit en faisant sortir sur la peau des personnes mal intentionnés les grains qu’ils ont mangés, ce qui fait allusion à la variole. Selon Agbabo Christian, un adepte du Sakpata : « il y a des méthodes qu’on peut utiliser pour faire du mal dans le vodoun ». Ce qui voudrait dire que ce n’est pas la divinité Sakpata en elle-même qui est mauvaise, mais plutôt la manière dont les spécialistes en font l’usage.

Pour Gbedji Lambert, un prêtre pratiquant du vodoun Sakpata, si tu as l’intention d’empoisonner, de faire du mal à quelqu’un qui implore ou invoque le nom de Sakpata, c’est que tu subiras les conséquences du dieu de la terre. Cette façon pour le vodoun Sakpata de barrer la voie à l’injustice et aux fauteurs de trouble, fait que des non-initiés trouvent que c’est une divinité qui ne fait que du mal.

Comment devient-on adepte de Sakpata?

L’initiation au culte du vodoun Sakpata donne lieu à une longue réclusion dans un « couvent » où les jeunes néophytes Aïzo apprennent les danses chantées propres à la divinité. La pratique du culte vodoun Sakpata se caractérise par la possession au cours de laquelle l’adepte s’identifie à son vodun et l’incarne, et par une longue initiation qui permet au novice d’apprendre la langue, les chants, les danses qui caractérisent le dieu, et le dote d’une « seconde personnalité » selon les termes de Pierre Verger. Quelles que soient les circonstances qui ont conduit à choisir telle ou telle personne pour devenir adepte du Sakpata, son initiation débute par sa « mort » marquant la rupture du novice avec son ancienne vie. Généralement, au cours d’une cérémonie publique précédant le temps de l’initiation, ceux ou celles qui ont été désignés préalablement pour devenir adeptes vont tomber inanimés et seront portés dans le « couvent » hunkpámɛ où commencera leur initiation. Le culte de Sakpata présente la particularité de mettre en scène publiquement cette « mort » et une première résurrection préalable à l’initiation. Quelques jours après l’évanouissement de l’impétrante, l’assistance se réunit sur une place proche du couvent. Une natte tachetée de noir, blanc et rouge est disposée dans un espace consacré par plusieurs sacrifices. Des « aides » hundéva font passer le « cadavre » de la novice, enroulé dans un linceul, par-dessus le mur du couvent, le portent sur la place et le déposent sur la natte.

Des « initiées » sakpatasì agenouillées massent le corps avec une eau où ont macéré des feuilles liturgiques puis retirent le linceul. Divers dispositifs (vers, viande putréfiée) viennent souvent ajouter au réalisme de la scène. Le « grand prêtre de Sakpata » sakpatanɔ qui préside la cérémonie harangue la novice, lui enjoint de revenir à la vie puis l’appelle sept fois. Le corps de la novice bouge, la joie de l’assistance éclate. La novice se relève titubante, elle est soutenue par ses compagnes. Un cortège se forme qui la raccompagne à l’intérieur du couvent. Le rite sera répété autant de fois qu’il y a de nouvelles adeptes. Commentant une série de photos qui donne à voir une scène de ce type, s’interroge longuement sur les idées de sincérité et d’imposture, mais la question importante ne serait-elle pas, alors que tous les vodun « tuent » et « ressuscitent » leurs futurs adeptes dans le secret du couvent, pourquoi Sakpata est-il le seul vodun qui révèle publiquement ce geste ? Aucune considération sur la terre et sa fertilité ne permet d’y apporter une réponse tandis qu’elle s’éclaire si l’on admet que la symbolique de Sakpata concerne un jeu entre le secret et sa révélation.

Que Sakpata montre ce qui doit rester caché explicite également l’insolence des sakpatasì. Nombreux sont les auteurs qui ont noté que les chants des sakpatasì étaient souvent satiriques et contenaient des parties improvisées au gré des circonstances où les adeptes se gaussent des personnes qui assistent à leurs danses. Pierre Verger en fit l’expérience qui note un chant où les sakpatasì se moquent de lui en disant : quand on vient dans un pays il faut savoir en parler la langue ; cela il ne sait faire mais pourtant il est curieux de regarder. (Verger, 1957 : 244)

Les sakpatasì sont aussi connu pour insérer dans leurs danses des séquences où certains d’entre eux, habillés de haillons et marchant à croupetons, exécutent des cabrioles et se roulent par terre en s’aspergeant de poussière.

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