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Politique

Bénin | Condamnation d’Aïvo et de Madougou : retour sur deux procès inédits

Avec notre correspondant, Martial Olou

Au Bénin, les condamnations des opposants au régime Talon, Joël Aïvo et Reckya Madougou, resteront l’un des faits majeurs de l’année 2021. Deux acteurs politiques dont les   procès se sont déroulés en début de ce mois de décembre à la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet).   C’était à l’occasion de la session criminelle.

Le jugement du premier, l’universitaire  poursuivi pour « complot contre la sûreté de l’état et blanchiment » s’est déroulé le 6 décembre 2021 en présence de quelques témoins et ses avocats parmi lesquels Me Robert Dossou, ancien bâtonnier et ancien président de la Cour Constitutionnelle du Bénin.

Lors  de  sa  déposition à la barre,  Joël Aïvo a plaidé non coupable. L’enseignant de droit constitutionnel à l’université d’Abomey-Calavi a tenté d’expliquer à la présidente de céans Me Christelle Adonon que  ce jugement ne lui est pas opposable. « Je  n’ai jamais été écouté sur les faits qui me sont reprochés. Pourtant, le procureur spécial dit que j’ai été écouté sur les faits. Dans  ce dossier j’ai toujours dit la vérité. Mais les juges ont écrit ce qu’ils veulent. Sortez-moi une seule preuve de mon implication dans ce dossier », a déclaré le candidat recalé de la présidentielle d’avril 2021 au Bénin. Aux dires de l’accusé et selon le point du procès relayé par un média local, il est poursuivi pour avoir été le candidat dit «de l’alternance ». « Je  suis poursuivi pour avoir incarné une alternative démocratique pour mon pays. Je suis poursuivi pour avoir préparé une candidature indépendante, capable de provoquer l’alternance   au sommet de  l’Etat », a-t-il  lancé à la barre.

Les plaidoiries de la défense n’ont pas allégé la peine

Dans son réquisitoire, le procureur spécial près la Criet, Mario Mètonou  qui  représente le ministère public à ce procès, a requis 10 ans d’emprisonnement contre le prévu. Cette sentence sera confirmée puisqu’au terme de l’audience le 7 décembre 2021  vers  2h du matin, Joël Aïvo ainsi que certains de ses co-accusés, ont  écopé de 10 ans de prison ferme avec une amende de 68.000 euros, soit un peu plus de 45 millions de francs CFA. Et ceci malgré les plaidoiries de la défense. « La  démocratie qui m’a amené devant vous, je suis persuadé qu’il n’y a qu’elle seule qui soit éternelle. C’est dans la démocratie que nous sommes tous en sécurité. Aujourd’hui c’est mon cas, demain à qui le tour ? »  S’est interrogé Joël Aïvo peu avant sa condamnation.

Mais ce verdict ne surprend guère Me  Robert Dossou, un  des  avocats de Joël Aïvo. « Compte tenu de la tendance générale de la cour, on s’y attendait.  Mais en même temps, nous avions  une petite lueur d’espoir compte tenu de ce  que nous nous avions perçu comme faits et fond du dossier », a-t-il laissé entendre à la fin du procès.

Pour rappel, Joël Aïvo a été arrêté le   15 avril 2021 à Porto-Novo au lendemain de la réélection de Patrice Talon à la tête du pays et placé en détention provisoire.

Madougou également fixée sur son sort

Le procès de l’ancienne ministre de la justice et farouche opposante au régime  Talon, en détention provisoire depuis le 3 mars 2021, s’est ouvert le 10 décembre 2021 à la Criet, une   juridiction basée à Porto-Novo, la capitale politique du Bénin. Elle et ses co-accusés Ibrahim Mama Touré, Bio Dramane Tidjani et Georges Saka, sont poursuivis pour financement de terrorisme, acte de terrorisme, association de malfaiteurs et abus de confiance. Sous la présidence de Me Guillaume Lally, chacun des prévenus a, à tour de rôle, fait sa déposition. Et c’est en début de soirée que la principale accusée dans ce dossier a été invitée à la barre. Reckya Madougou visiblement confiante selon les témoins du procès, a rejeté les faits portés à sa charge. L’accusée a saisi l’occasion pour faire de troublantes révélations. Elle dit avoir plusieurs fois échangé avec des personnalités proches du pouvoir Talon sur sa  candidature à la présidentielle d’avril 2021. Madougou a cité notamment les députés Mama Sanni, Nazaire Sado et Rachidi Gbadamassi à qui elle dit avoir remis une forte somme d’argent pour  son parrainage à l’élection.

« J’ai besoin de Gbadamassi vivant  pour qu’il me rembourse mes sous »

Le  procureur  spécial de la Criet Mario Métonou a d’ailleurs interrogé  l’ancienne ministre sur le présumé  assassinat de l’élu de la 8e circonscription électorale (NDRL, circonscription électorale regroupant quatre communes du Nord Bénin: Parakou, Pèrèrè, Tchaourou et N’dali), et elle a  répondu en ces termes :  « Le dossier dit que j’ai voulu assassiner le député Gbadamassi. J’ai besoin de Gbadamassi vivant, pour qu’il me rembourse mes sous, je le veux vivant ». Dans son réquisitoire, le procureur spécial, a expliqué que les faits portés à la charge des prévenus, violent l’article 164 du code de procédure pénale en République  du Bénin.

A la fin de son réquisitoire, Mario Mètonou a requis 20 ans de prison ferme contre la principale accusée. Au  petit matin du 11 décembre 2021, Reckya Madougou et deux de ses co-accusés ont été effectivement condamnés à 20 ans de réclusion criminelle plus une amende de 50 millions. Mama Bio Tidjani a été pour sa part acquitté au bénéfice du doute.

Avant ce verdict, la native de Parakou a tenu à s’exprimer. « J’avais déclaré que je m’offrirai pour la démocratie, je le répète aujourd’hui, je m’offre pour la démocratie, si mon sacrifice peut vous permettre monsieur le président et vos collègues de retrouver votre indépendance face au pouvoir exécutif », a-t-elle lancé.

Me Antoine Vey, l’un des avocats de Reckya Madougou a, à l’entame du procès, dénoncé la nullité et la partialité de la procédure. Il est d’ailleurs sorti de la salle d’audience très tôt et n’est plus revenu jusqu’au verdict. « Il n’y a rien qui accuse notre cliente. Le dossier est complètement vide. C’est un dossier qui a été monté de toute pièce, car il s’agit exclusivement d’une accusation politique », a lancé l’avocat français.

Vont-ils  bénéficier  d’une grâce présidentielle ?            

Après les verdicts rendus dans ces deux dossiers, certains béninois se sont indignés et ont estimé que le Bénin est devenu un pays de non droit, tout en pointant d’un doigt accusateur le régime actuel. Cependant, d’autres pensent que Madougou et Aïvo ont  une seconde chance, c’est  à dire qu’ils pourraient bénéficier de la grâce présidentielle. Mais le porte-parole du gouvernement Wilfried Léandre Houngbédji interrogé à ce sujet, a tenu à faire des clarifications. Selon lui, on ne peut être dans une procédure inachevée et attendre une grâce. En effet, ces personnes pourraient faire appel de la décision de la Criet parce que leur condamnation n’est pas définitive. Ce n’est qu’après cela que le président de la République pourrait leur accorder une grâce. Bien entendu,  après le vote d’une loi d’amnistie et s’ils en remplissent les conditions.

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