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Santé

Entretien / Annick N. à propos des difficultés que rencontrent les sages-femmes en Afrique : « Elles sont victimes de discriminations négatives, d’insécurité majeure »

Réalisation : Martial Olou

La journée internationale des sages-femmes est célébrée chaque 5 mai. A quelques jours de cette commémoration, nous avons rencontré la présidente du réseau des soignants amis des patients (Rsap-Bénin). Annick Nonohou nous parle ici de la pratique de cette profession médicale et en profite pour faire un plaidoyer à l’endroit des gouvernants.

AWR : En 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a recommandé aux gouvernants d’investir dans les sages-femmes, de les soutenir, les célébrer et de les protéger. Aux sages-femmes, l’institution Onusienne a demandé de défendre les droits des femmes, de combattre l’injustice. On constate que ce sont des chantiers sur lesquels votre réseau est actif depuis quelques années.

Annick Nonohou : Les « Rsapiens » béninois sont très fiers de leur activisme en Afrique pour la promotion des droits humains en milieu sanitaire. Le contenu des recommandations de l’OMS pour l’année 2020, qui était déclarée année des sages-femmes et des personnels infirmiers, prouve que nous sommes sur le bon chemin, et que nos actions et interventions respectent les normes internationales standards nécessaires pour l’amélioration de la qualité des soins et pour la réduction des taux de décès évitables. Nos actions et interventions reposent essentiellement sur le renforcement de capacités des professionnels de santé et des Ifc (individus, familles et communautés) sur le droit de la santé, l’implémentation de la démocratie sanitaire, la promotion du modèle humaniste des soins, la protection des droits des patients et la prévention de l’élimination des violences faites aux femmes en milieu sanitaire d’une part, puis les plaidoyers réalisés à l’endroit des autorités politico-administratives d’autre part pour l’institutionnalisation des pratiques novatrices progressistes. De plus, nous formons les sages-femmes sur leur nouvelle mission fondée sur les droits humains afin que la nouvelle vision de la pratique Sage-femme soit une réalité en Afrique.

Comme tout métier, la profession de sage-femme a des risques. Partagez avec nous les difficultés que rencontrent les sages-femmes africaines.

S’agissant des difficultés rencontrées par les sages-femmes africaines, elles sont nombreuses et sont de plusieurs ordres. Sur le plan social, nous pouvons dire que les sages-femmes sont souvent décriées et subissent des traitements inhumains, dégradants mettant en péril la vie des femmes et des enfants qu’elles prennent en charge. Sur le plan médical, les sages-femmes sont confrontées à une surcharge de travail, à l’absence d’autonomie dans un contexte de clientélisme et de terrorisme médicale, du milieu de travail inadéquat. Elles sont aussi victimes de discriminations négatives, d’insécurité majeure, d’irrespect, de harcèlement et sont écartées des grandes instances de décision ; alors qu’elles sont incontournables pour l’amélioration de la qualité des soins pour la réduction des décès évitables. C’est pour cela que l’OMS et ses partenaires ont fait un appel en 2016 pour recommander l’arrêt des violences qu’elles subissent, etc.

Sur le plan administratif, les sages-femmes subissent des injustices caractérisées par la non reconnaissance du statut médical de leur profession, l’absence de suivi de carrière des sages-femmes cadres non reclassées et exploitées par rapport à leurs nouvelles compétences sur le terrain. Au plan financier, les sages-femmes reçoivent des salaires misérables et ne bénéficient pas de la cotation des actes médicaux qu’elles effectuent. Elles ne jouissent pas non plus de motivations pécuniaires telles que les primes et trophées d’excellence.

Sur cet aspect du sujet, il a été relevé que l’insuffisance de salaire impacte négativement la qualité des soins. Sur le plan législatif, il y a le défaut de prise de lois spécifiques portant réglementation de la pratique « Sage-femme » et reconnaissance du statut médical, sans oublier l’absence de lois portant prévention-répression des violences faites aux sages-femmes. Au plan éducatif, il y a la non prise en compte dans les curricula de formation des pratiques novatrices et leurs nouvelles missions.

La majorité des sages-femmes ne bénéficient pas de développement professionnel continu. La validation d’acquis d’expériences n’est pas une réalité en Afrique, l’absence de prise en charge des sages-femmes pour leur participation aux congrès scientifiques internationaux. Sur le plan juridique, nous dirons que la pratique « Sage-femme » étant une profession médicale à lourde responsabilité et à compétences définies, les sages-femmes sont exposées à un haut risque médico-légal et à une grande sinistralité liée à l’obstétrique.

 

Doit-on appeler toute accoucheuse sage-femme ?

                                                                                       

Non, parce que l’accouchement peut être réalisé soit par une sage-femme (prioritairement), soit par un gynécologue-obstétricien ou infirmière accoucheuse.

Comment devient-on « sage-femme » et quel regard portez-vous sur la formation donnée à ces agents de santé au Bénin ?

Pour devenir sage-femme, il faut faire une étude de 3 ans après le baccalauréat pour obtenir sa licence et deux ans en plus pour obtenir le master dans la spécialité choisie. Quant à la formation donnée actuellement, je pense qu’elle est insuffisante, car on constate que les curricula de formation ne prennent pas en compte les missions novatrices de la sage-femme fondées sur les droits humains.

Quels appels avez-vous à lancer aux gouvernants, aux sages-femmes, et aux autres professionnels de santé ?

Comme appel à l’endroit des gouvernants, je leur demande d’investir dans les sages-femmes et de les soutenir. Au niveau de l’exécutif, je plaide pour une revalorisation de la pratique « Sage-femme », une reconnaissance du statut médical de la profession, un reclassement des sages-femmes cadres, une augmentation des salaires des sages-femmes, une cotation des actes médicaux que les sages-femmes effectuent, une actualisation des curricula de formation en y intégrant les pratiques novatrices progressistes, une motivation psychologique et pécuniaire telle que les primes et trophées d’excellence.

A l’endroit du législatif, nous plaidons pour la prise de deux lois. Une première loi portant règlementation de la pratique « Sage-femme » et reconnaissance du statut médical, la loi portant prévention, répression des violences faites aux sages-femmes.

Aux sages-femmes africaines je voudrais attirer leur attention sur le fait qu’elles exercent une profession médicale à compétence définie et non paramédicale, qu’elles doivent obligatoirement s’inscrire au tableau national de l’ordre des sages-femmes de leurs pays avant d’exercer leur métier. Je leur recommande fortement de respecter les règles d’éthique et de déontologie, d’être vertueuses, compétentes, humanistes, empathiques et de renforcer leur capacité sur leurs nouvelles missions, la démocratie sanitaire et le droit de la santé en Afrique.

Aux autres professionnels de santé, je leur demande de collaborer parfaitement avec les sages-femmes. J’exhorte les populations à soutenir les sages-femmes. Aux femmes, je leur demande d’être des actrices actives de leur santé, de militer pour la jouissance des droits et libertés individuelles en milieu sanitaire.

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