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Société

Justice : La prison, un lieu d’éducation ou d’expansion de la déviance ?

Martial Olou

De manière générale, on éprouve un sentiment de méfiance et de peur vis-à-vis des personnes sorties de prison ou qui ont été incarcérée au moins une fois. De retour en société, elles sont le plus souvent stigmatisées à cause de ce passé carcéral. Or, les prisons ne regorgent pas que d’individus en conflit avec la loi ou ayant commis des crimes. Ce sont parfois des innocents, victimes de la vie ou du système.  

 

La prison est un établissement où sont détenues les personnes condamnées à une peine privative de liberté ou en instance de jugement. On en sort quand on a purgé sa peine, bénéficié d’une grâce ou reconnu innocent.

Malheureusement, le fait que ces personnes soient sorties des mailles de la détention ne leur garantit pas pour autant un retour à la normale. Le regard de la société envers eux change radicalement. Selon Elie Soton, « si tu vois un ancien prisonnier, c’est qu’il est un bandit, sinon il n’irait pas en prison ». Le simple fait d’avoir passé ne serait-ce qu’une nuit derrière les barreaux, des amis ou même des proches vous évitent et font des commentaires désobligeants à votre égard. « Je serai un peu hostile envers cette personne parce que je me dis que ce sont ceux qui ont commis des actes horribles qui vont en prison. En tant que mère, si je connais quelqu’un du genre qui va s’approcher de mes enfants, je ne vais pas accepter. La prison est un lieu où on enferme des personnes qui ont commis des crimes », déclare Sarath Bonou rencontrée dans la ville de Cotonou.

Or, un innocent peut aussi se retrouver en détention si une enquête est ouverte à son encontre, et beaucoup ne font pas souvent cette lecture. « Malgré qu’on l’ait innocenté, déjà que la personne a quitté la prison, on n’aura pas un bon œil sur lui. Puisqu’il est déjà allé en prison, c’est sûr que s’il n’a pas commis un crime, il n’irait pas en prison », insiste Fabrice Klopké.

Des charges qui affectent l’équilibre mental et replongent

Comme on peut le constater, après le séjour carcéral, l’individu se retrouve à nouveau face à d’autres réalités sociales et psychologiques qu’il ignorait. D’abord il devient étranger à lui-même et à l’environnement auquel il était habitué. Puis, la méfiance, la peur et la honte sont désormais les charges qui pèsent sur lui, quelle que soit la durée de son séjour en prison. A son passage, tous les regards sont braqués sur lui, il fait l’objet de critiques souvent dégradantes.

La charge que reçoit l’individu au plan social finit par l’affecter et il peut perdre son équilibre mental. Le psychologue André Alihonou qui est intervenu sur une station de radio locale à ce propos, pense que « ce n’est pas du tout facile pour eux psychologiquement. Quels que soient les efforts qu’ils fournissent pour intégrer la société, ils sont mal vus. Ça fait qu’ils vont peut-être pour la plupart replonger, parce qu’ils ne se sentent plus accepter ». Toutefois, certaines personnes parviennent à transcender les subjectivités et réussissent leur réinsertion sociale.

Ils témoignent…

Le séjour dans ce milieu marque parfois le début de l’essor pour certains.  C’est le cas de A.C., qui a passé 9 mois à la maison d’arrêt de Cotonou pour avoir vendu des propriétés de son ex-patron sans son avis. « Je ne souhaite pas la prison à mon ennemi. Aller en prison, c’est comme être proche de la mort, c’est un autre monde. Les premiers jours, j’étais dépaysé et mentalement affaibli. Mais avec le temps je me suis habitué. J’ai compris qu’il y a des erreurs que je ne dois plus commettre. Une fois là-bas, j’ai été abandonné par certains proches. D’autres ont même œuvré pour que je reste en détention. Mais Dieu a fait ses œuvres. Quelques jours après ma sortie, j’ai trouvé un job et je suis mieux payé maintenant qu’avant », confie-t-il.

Comme lui, la prison a été une autre expérience de plus pour K.M. qui précise qu’il a beaucoup appris. « Là-bas, j’ai rencontré beaucoup de gens qu’on ne voit plus, je me suis fait ami à des personnalités. Je suis heureux d’être en liberté. J’ai été injustement emprisonné, le dossier est classé et je ne retournerai plus jamais en prison. Je vais maintenant reprendre mes activités », a-t-il fait savoir.

La prison, un lieu de socialisation !

Une personne gardée dans les liens de la justice n’est pas forcément un criminel. « Lorsque vous êtes soupçonnés d’avoir commis une infraction, vous êtes toujours présumé innocent, et cette présomption d’innocence va amener à faire certaines enquêtes afin de déterminer votre degré d’implication dans la commission de l’implication, pour les nécessités de l’enquête, vous pouvez être privés de votre liberté d’aller et de venir. Dans la conscience collective, quand vous êtes dans un lien de garde-à-vue ou de mandat de dépôt, on considère que vous êtes déjà un prisonnier », explique le juriste Claver Gbanminton.

Le sociologue Gilles Houindo, pense pour sa part que la prison devrait être vue comme un lieu d’éducation et de socialisation. « Malheureusement, la conception générale que nous avons de la vie carcérale ou des prisons, est que c’est un lieu qui renforce l’élan de déviance », a-t-il indiqué.

Il estime que la réinsertion de l’individu sorti de prison doit être pensée autrement. L’Etat et les organisations non gouvernementales en particulier doivent œuvrer pour ça. « Il est important pour nos sociétés et pour nos Nations de repenser un peu la vie carcérale. La prison ne doit pas être un lieu où on en sort plus dangereux. La prison devrait aider l’individu à sortir nouveau, à être prêt à réintégrer sa société et à participer à l’animation de la vie de sa société », conclut le sociologue.

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